Du 16 au 31 janvier 2015 avait lieu premier festival du Domaine Public Ă Paris.
Le 28 janvier j’ai assistĂ© Ă la table ronde des enjeux politiques et juridiques du domaine public, Ă l’ENS Paris.
Vous trouverez ci-aprĂšs mes notes.
Les enjeux politiques et juridiques du domaine public
Introduction par Alexis Kauffman
Professeur de mathĂ©matiques et militant du logiciel libre. A l’origine de Framasoft.
Lors des RMLL de juillet 2014, est nĂ©e l’idĂ©e de lancer le premier festival du Domaine Public, proposĂ© par Alexis et VĂ©ronique Boukali.
Lorsque l’on Ă©voque ou que l’on parle du Domaine Public, nous sommes souvent dans le passĂ©, par rapport Ă la pĂ©riode des 70 ans, mais le sujet est pourtant d’actualitĂ©.
Cas d’Ă©cole (voir aussi le billet sur Romaine Lubrique) :
Au programme du festival, quelques jours plus tard, est préposé un remix de Louis Feuillade mort en 1925, hors :
- Mail d’un ayant droit de l’auteur, fin des droits patrimoniaux mais pas du droit moral > donc ne souhaite pas modifier l’original de lâĆuvre.
- Feuilletons à deux auteurs > le scénariste du film (Marcel Allain) est décédé bien aprÚs. Seconde lettre.
- Enfin, troisiĂšme acteur pour entraver la diffusion, la SARL qui gĂšre les droits de la marque.
Donc événement annulé.. à J-2.
Soirée animée par Lionel Morel
Co-création du collectif SavoirCom1, membre de la Quadrature du net. Auteur du blog SiLex.
SĂ©verine Dusollier
Professeur Ă Sciences Po Paris
Un régime positif pour le Domaine Public
Une question de définition
Il n’y a pas de mention du Domaine Public dans les lois du droits d’auteur.
Le concept est présent, mais un peu invisible.
C’est ce qui n’est pas protĂ©gĂ© par le droit d’auteur.
Il est donc dĂ©fini dans les lois de maniĂšre nĂ©gative, en opposition au droits d’auteur.
Sur le support de prĂ©sentation projetĂ©, illustration d’une photo avec des Ăles et archipels ou l’eau symbolise le Domaine Publique.
Le Domaine Public est relatif (relativité du Domaine Publique) à :
- la territorialité : défini pays par pays.
- la durée (50 ans, 70 ans, 100 ans..)
- l’Ă©tendue (le droit moral n’est pas forcĂ©ment prĂ©sent dans d’autres pays).
Au niveau international, c’est la Convention de Berne.
Le Domaine Public n’a pas la mĂȘme consistance selon les pays.
Selon la convention,on doit comparer la durĂ©e dans le pays de l’auteur.
Par exemple, pour les Ćuvres de Dadasaheb Phalke en Inde la durĂ©e est de 50 ans ; en France c’est 70 ans > donc ces Ćuvres sont dans le Domaine Public, car c’est 50 ans dans le cas prĂ©sent qui prime.
Mais il existe des contres-exemples..
Conséquence de la négativité :
Il est instable : lorsque l’on a prolongĂ© la durĂ©e des droits patrimoniaux, on a repris des Ćuvres du Domaine Publique ou celles qui devaient s’y Ă©lever.
Il y a les rÚgles classiques de la durée. En France on a rajoute des délais supplémentaires.
Il n’y a pas de rĂšgle qui protĂšge le Domaine Publique.
On peut ainsi reprendre une Ćuvre du Domaine Publique.
ExclusivitĂ© par d’autres droits
Si Ă lâextinction des droits patrimoniaux cesse l’exclusivitĂ© d’utilisation de lâĆuvre, il y a concurrences d’autres droits.
Par exemple le droit des marques, mais limité en principe (ex yaourt)
Exemple du Journal d’Anne Franck : les ayants droit utilisent tous les outils juridiques pour empĂȘcher l’entrĂ©e dans le Domaine Publique au 01/01/2016 : mais refus des juges pour ne pas accepter le Journal d’Anne Franck comme marques.
Ainsi c’est un sujet complexe.
En conclusion, il y a besoin de constituer une protection au Domaine Publique, pour empĂȘcher la rĂ©appropriation.
Isabelle Attard
DĂ©putĂ©e du Calvados ; prĂ©cĂ©demment directrice du musĂ©e du DĂ©barquement dâUtah Beach, aprĂšs avoir dirigĂ© celui de la Tapisserie Ă Bayeux.
Pour la soirée, Frédric Toutain son attaché parlementaire sera porte-parole, car Isabelle Attard a une extinction de voix.
Au moment de la transposition d’une loi europĂ©enne, puisque c’Ă©tait dans l’exposĂ© des motifs, propositions en faveur du Domaine Public ; la ministre de la culture Fleur Pellerin trouve cela philosophiquement intĂ©ressant mais Ă revoir lors des prochains dĂ©bats au printemps.
Abus des musées
Exemple du musĂ©e de Toulouse Lautrec qui a apposĂ© du copyright sur les Ćuvres numĂ©risĂ©es.
Autre exemple, la BNF repose son fondement légale sur le droit de propriété : en effet rÎle de conservateur, mais pas propriétaire (loi de 1974).
On devrait appliquer la mĂȘme logique que pour la Joconde.
Lorsqu’Isabelle Attard Ă©tait Directrice du musĂ©e des Tapisseries de Bayeux, elle devait pratiquer le copyfraud : location de fichiers numĂ©riques, au motif que le musĂ©e avait payĂ© des photographes.
Il y a lĂ une confusion de l’action de photographier des Ćuvres, sorte de photocopie, reproduction fidĂšle sans les caractĂ©ristiques d’une nouvelles Ćuvres que l’on pourrait protĂ©ger.
Il n’y a pas de rĂ©flexions sur les consĂ©quences Ă terme.
Sujet complexe
C’est un sujet complexe : droit des marques, droit des brevets, droits des bases de donnĂ©es, du droit moral abusif.
Contrairement Ă d’autres pays (aux USA par exemple), on ne peut pas verser dans le Domaine Public de son vivant ; le droit moral est incessible.
Le droit (voire les ayants droit..) peut ainsi aller contre la volonté des créateurs.
Pourtant le Domaine Public est une ressource inestimable pour crĂ©er de nouvelles Ćuvres, qui gĂ©nĂšrent aussi une activitĂ© Ă©conomique. Kaamelott est ainsi bien protĂ©gĂ© par le droit d’auteur alors que la lĂ©gende du Roi Arthur est dans le domaine public.
Proposition de loi
Lionel Morel avait publiĂ© un billet sur son blog : I Have A Dream : une loi pour le domaine public en France ! : ce texte a Ă©tĂ© repris par l’Ă©quipe d’Isabelle Attard pour Ă©crire en novembre 2013 la proposition de loi n° 1573 : Consacrer le domaine public.
C’est un Ă©lĂ©ment de rĂ©flexion commun, un support pour dĂ©poser des amendements futurs.
Au printemps 2015, discutions sur la prochaine loi et créations : jouez un rÎle en tant que citoyen : contactez vos députés et sénateurs pour leur parler du Domaine Public !
L’idĂ©e de rabĂącher devra porter ces fruits un jour ; notamment avec l’avantage Ă©conomique du Domaine Public car les crĂ©ations sont libĂ©rĂ©es par le fait que cela soit dans le Domaine Public.
Gaëlle Krikorian
ConseillĂšre au parlement EuropĂ©en pour le groupe des Verts sur la question de la protection intellectuel et de l’accĂšs aux savoirs.
Attaques aux Domaine Public
Constat qu’il y a aujourd’hui plusieurs attaques..
Attaques sur la durĂ©e de protection, entre 50 et 100 aprĂšs la mort de l’auteur.
Une tendance à toujours vouloir augmenter cette durée.
Cela se traduit par les accords de libre Ă©changes.
Autre attaque, celle de créer de nouveaux droits lors de la digitalisation.
Illustration avec le text data mining : apposer une licence des Ă©diteurs sur les donnĂ©es numĂ©riques, alors que l’on peut lire le texte dans sa version papier et l’analyser, on devrait pouvoir le faire faire par un ordinateur.
Dernier exemple avec le secret d’affaire : projet de loi Macron, directive au niveau EuropĂ©en, aussi dans l’accord USA-EU, etc.
Argument du secret d’affaire contre le droit Ă l’information.
Du positif ?
On l’a vu jusqu’ici, c’est trĂšs compliquĂ© Ă tous les niveaux : national, international. Cela crĂ©Ă© des problĂšmes pour les acteurs.
C’est donc l’occasion d’une rĂ©forme du droit d’auteur au niveau europĂ©en.
En janvier 2015, premier rapport de Julia Reda (source sur son blog), eurodĂ©putĂ©e du parti pirate (rattachĂ©e au groupe des Verts), sur l’Ă©valuation de la derniĂšre loi de 2001.
Discussions en court pour savoir si cela peut aboutir sur un texte de loi.
Pour les gros acteurs dominants de l’industrie culturelle traditionnelle : c’est un non, il n’y a pas de raison de faire un texte.
On constate un rapport de force entre les industriels et les nouveaux gros acteurs des nouvelles technologies, qui comptent aussi dans l’Ă©conomie d’aujourd’hui (mĂȘme si l’UE n’aime pas forcĂ©ment l’exil fiscal de ces acteurs).
Un auteur devrait pouvoir mettre dans le Domaine Public. Cela ne nuit pas Ă l’auteur car il n’y a plus de monopole, donc ce n’est pas captĂ© par les sociĂ©tĂ©s de gestion collectives.
On constate aussi un mouvement et un front des communs.
Daniele Bourcier
Membre de Creative Commons France, directrice de recherche au CNRS.
Le domaine public volontaire : les solutions CC
Utilisation de l’expression Domaine Public consenti.
Il y a deux logiques autour du droit d’auteur :
- par dĂ©faut c’est la protection, le monopole, lâexclusivitĂ©
- si choix volontaire = contractuel
CC0 (n’est pas une licence, mais un outil) et un autre outil, PDM.
Outil qui vient suppléer le Domaine Public, un dispositif de droit commun.
Ce n’est donc pas le “Tous droits rĂ©servĂ©s” mais “Quelques droits rĂ©servĂ©s” si l’une des licences CC, enfin “Pas de droits rĂ©servĂ©s” ou “Pas de copyright connu” dans le cadre de l’utilisation du Public Domain Mark (PDM).
Accord CC - Sacem, pour des usages non commerciaux.
HAL : archives scientifiques, accepte les CC
Youtube : CC
Historique de Creative Commons
Suite échec loi contre le Mickey Mouse Protection Act de 1998, création CC en 2002.
Selon le choix de l’auteur, c’est plus intĂ©ressant d’ouvrir et de faire circuler les Ćuvres, plutĂŽt que de restreindre et entraver la circulation.
C’est un contrat (licence) public (et non privĂ© avec clauses non connues dans le droit d’auteur).
CC By : Paternité > Attribution ;)
C’est un modĂšle Ă©thique ; partager plutĂŽt que d’exclure (exclusivitĂ©) ; permettre la rĂ©utilisation ; s’adresser au public.
Le public n’est pas prĂ©sent dans le droit d’auteur.
PDM > No copyright knows, que les musées pourraient faire.
S’engage jusqu’Ă un certain point.
CC0 : contrairement au PDM, seul l’auteur peut le dĂ©cider.
Il le fait jusqu’oĂč c’est lĂ©gal.
PS : vous pouvez Ă©galement lire le compte-rendu de @Phdesaint bien mieux rĂ©digĂ© et mis Ă disposition le soir mĂȘme !
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