lundi 2 février 2015

[CR] Les enjeux politiques et juridiques du domaine public #DPFest 2015

Du 16 au 31 janvier 2015 avait lieu premier festival du Domaine Public à Paris.
Le 28 janvier j’ai assisté à la table ronde des enjeux politiques et juridiques du domaine public, à l’ENS Paris.

Vous trouverez ci-après mes notes.

Les enjeux politiques et juridiques du domaine public

Introduction par Alexis Kauffman

Professeur de mathématiques et militant du logiciel libre. A l’origine de Framasoft.

Lors des RMLL de juillet 2014, est née l’idée de lancer le premier festival du Domaine Public, proposé par Alexis et Véronique Boukali.
Lorsque l’on évoque ou que l’on parle du Domaine Public, nous sommes souvent dans le passé, par rapport à la période des 70 ans, mais le sujet est pourtant d’actualité.

Cas d’école (voir aussi le billet sur Romaine Lubrique) :

Au programme du festival, quelques jours plus tard, est préposé un remix de Louis Feuillade mort en 1925, hors :

  • Mail d’un ayant droit de l’auteur, fin des droits patrimoniaux mais pas du droit moral > donc ne souhaite pas modifier l’original de l’œuvre.
  • Feuilletons à deux auteurs > le scénariste du film (Marcel Allain) est décédé bien après. Seconde lettre.
  • Enfin, troisième acteur pour entraver la diffusion, la SARL qui gère les droits de la marque.

Donc événement annulé.. à J-2.

Soirée animée par Lionel Morel

Co-création du collectif SavoirCom1, membre de la Quadrature du net. Auteur du blog SiLex.

Séverine Dusollier

Professeur à Sciences Po Paris

Un régime positif pour le Domaine Public

Une question de définition

Il n’y a pas de mention du Domaine Public dans les lois du droits d’auteur. Le concept est présent, mais un peu invisible.
C’est ce qui n’est pas protégé par le droit d’auteur.
Il est donc défini dans les lois de manière négative, en opposition au droits d’auteur.

Sur le support de présentation projeté, illustration d’une photo avec des Îles et archipels ou l’eau symbolise le Domaine Publique.

Le Domaine Public est relatif (relativité du Domaine Publique) à :

  • la territorialité : défini pays par pays.
  • la durée (50 ans, 70 ans, 100 ans..)
  • l’étendue (le droit moral n’est pas forcément présent dans d’autres pays).

Au niveau international, c’est la Convention de Berne.
Le Domaine Public n’a pas la même consistance selon les pays.
Selon la convention,on doit comparer la durée dans le pays de l’auteur.

Par exemple, pour les œuvres de Dadasaheb Phalke en Inde la durée est de 50 ans ; en France c’est 70 ans > donc ces œuvres sont dans le Domaine Public, car c’est 50 ans dans le cas présent qui prime.
Mais il existe des contres-exemples..

Conséquence de la négativité :

Il est instable : lorsque l’on a prolongé la durée des droits patrimoniaux, on a repris des œuvres du Domaine Publique ou celles qui devaient s’y élever.

Il y a les règles classiques de la durée. En France on a rajoute des délais supplémentaires.

Il n’y a pas de règle qui protège le Domaine Publique.
On peut ainsi reprendre une œuvre du Domaine Publique.

Exclusivité par d’autres droits

Si à l’extinction des droits patrimoniaux cesse l’exclusivité d’utilisation de l’œuvre, il y a concurrences d’autres droits.

Par exemple le droit des marques, mais limité en principe (ex yaourt)

Exemple du Journal d’Anne Franck : les ayants droit utilisent tous les outils juridiques pour empêcher l’entrée dans le Domaine Publique au 01/01/2016 : mais refus des juges pour ne pas accepter le Journal d’Anne Franck comme marques.

Ainsi c’est un sujet complexe.

En conclusion, il y a besoin de constituer une protection au Domaine Publique, pour empêcher la réappropriation.

Isabelle Attard

Députée du Calvados ; précédemment directrice du musée du Débarquement d’Utah Beach, après avoir dirigé celui de la Tapisserie à Bayeux.

Pour la soirée, Frédric Toutain son attaché parlementaire sera porte-parole, car Isabelle Attard a une extinction de voix.

Au moment de la transposition d’une loi européenne, puisque c’était dans l’exposé des motifs, propositions en faveur du Domaine Public ; la ministre de la culture Fleur Pellerin trouve cela philosophiquement intéressant mais à revoir lors des prochains débats au printemps.

Abus des musées

Exemple du musée de Toulouse Lautrec qui a apposé du copyright sur les œuvres numérisées.

Autre exemple, la BNF repose son fondement légale sur le droit de propriété : en effet rôle de conservateur, mais pas propriétaire (loi de 1974).

On devrait appliquer la même logique que pour la Joconde.

Lorsqu’Isabelle Attard était Directrice du musée des Tapisseries de Bayeux, elle devait pratiquer le copyfraud : location de fichiers numériques, au motif que le musée avait payé des photographes.
Il y a là une confusion de l’action de photographier des œuvres, sorte de photocopie, reproduction fidèle sans les caractéristiques d’une nouvelles œuvres que l’on pourrait protéger.

Il n’y a pas de réflexions sur les conséquences à terme.

Sujet complexe

C’est un sujet complexe : droit des marques, droit des brevets, droits des bases de données, du droit moral abusif.

Contrairement à d’autres pays (aux USA par exemple), on ne peut pas verser dans le Domaine Public de son vivant ; le droit moral est incessible.
Le droit (voire les ayants droit..) peut ainsi aller contre la volonté des créateurs.

Pourtant le Domaine Public est une ressource inestimable pour créer de nouvelles œuvres, qui génèrent aussi une activité économique. Kaamelott est ainsi bien protégé par le droit d’auteur alors que la légende du Roi Arthur est dans le domaine public.

Proposition de loi

Lionel Morel avait publié un billet sur son blog : I Have A Dream : une loi pour le domaine public en France ! : ce texte a été repris par l’équipe d’Isabelle Attard pour écrire en novembre 2013 la proposition de loi n° 1573 : Consacrer le domaine public.

C’est un élément de réflexion commun, un support pour déposer des amendements futurs.

Au printemps 2015, discutions sur la prochaine loi et créations : jouez un rôle en tant que citoyen : contactez vos députés et sénateurs pour leur parler du Domaine Public !

L’idée de rabâcher devra porter ces fruits un jour ; notamment avec l’avantage économique du Domaine Public car les créations sont libérées par le fait que cela soit dans le Domaine Public.

Gaëlle Krikorian

Conseillère au parlement Européen pour le groupe des Verts sur la question de la protection intellectuel et de l’accès aux savoirs.

Attaques aux Domaine Public

Constat qu’il y a aujourd’hui plusieurs attaques..

Attaques sur la durée de protection, entre 50 et 100 après la mort de l’auteur.
Une tendance à toujours vouloir augmenter cette durée.
Cela se traduit par les accords de libre échanges.

Autre attaque, celle de créer de nouveaux droits lors de la digitalisation.

Illustration avec le text data mining : apposer une licence des éditeurs sur les données numériques, alors que l’on peut lire le texte dans sa version papier et l’analyser, on devrait pouvoir le faire faire par un ordinateur.

Dernier exemple avec le secret d’affaire : projet de loi Macron, directive au niveau Européen, aussi dans l’accord USA-EU, etc.
Argument du secret d’affaire contre le droit à l’information.

Du positif ?

On l’a vu jusqu’ici, c’est très compliqué à tous les niveaux : national, international. Cela créé des problèmes pour les acteurs.
C’est donc l’occasion d’une réforme du droit d’auteur au niveau européen.

En janvier 2015, premier rapport de Julia Reda (source sur son blog), eurodéputée du parti pirate (rattachée au groupe des Verts), sur l’évaluation de la dernière loi de 2001.

Discussions en court pour savoir si cela peut aboutir sur un texte de loi.

Pour les gros acteurs dominants de l’industrie culturelle traditionnelle : c’est un non, il n’y a pas de raison de faire un texte.
On constate un rapport de force entre les industriels et les nouveaux gros acteurs des nouvelles technologies, qui comptent aussi dans l’économie d’aujourd’hui (même si l’UE n’aime pas forcément l’exil fiscal de ces acteurs).

Un auteur devrait pouvoir mettre dans le Domaine Public. Cela ne nuit pas à l’auteur car il n’y a plus de monopole, donc ce n’est pas capté par les sociétés de gestion collectives.

On constate aussi un mouvement et un front des communs.

Daniele Bourcier

Membre de Creative Commons France, directrice de recherche au CNRS.

Le domaine public volontaire : les solutions CC

Utilisation de l’expression Domaine Public consenti.

Il y a deux logiques autour du droit d’auteur :

  • par défaut c’est la protection, le monopole, l’exclusivité
  • si choix volontaire = contractuel

CC0 (n’est pas une licence, mais un outil) et un autre outil, PDM.

Outil qui vient suppléer le Domaine Public, un dispositif de droit commun.

Ce n’est donc pas le “Tous droits réservés” mais “Quelques droits réservés” si l’une des licences CC, enfin “Pas de droits réservés” ou “Pas de copyright connu” dans le cadre de l’utilisation du Public Domain Mark (PDM).

Accord CC - Sacem, pour des usages non commerciaux.

HAL : archives scientifiques, accepte les CC

Youtube : CC

Historique de Creative Commons

Suite échec loi contre le Mickey Mouse Protection Act de 1998, création CC en 2002.

Selon le choix de l’auteur, c’est plus intéressant d’ouvrir et de faire circuler les œuvres, plutôt que de restreindre et entraver la circulation.

C’est un contrat (licence) public (et non privé avec clauses non connues dans le droit d’auteur).

CC By : Paternité > Attribution ;)

C’est un modèle éthique ; partager plutôt que d’exclure (exclusivité) ; permettre la réutilisation ; s’adresser au public.

Le public n’est pas présent dans le droit d’auteur.

PDM > No copyright knows, que les musées pourraient faire.
S’engage jusqu’à un certain point.

CC0 : contrairement au PDM, seul l’auteur peut le décider.
Il le fait jusqu’où c’est légal.

PS : vous pouvez également lire le compte-rendu de @Phdesaint bien mieux rédigé et mis à disposition le soir même !

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